Page:Gorki - La Mère, 1945.djvu/199

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deux étages, croulante de vieillesse, dans une rue déserte. Il y avait un jardin devant le pavillon, et par les fenêtres des trois pièces pénétraient de frais rameaux d’acacias, de lilas, de jeunes peupliers argentés. Les chambres étaient propres et silencieuses ; des ombres muettes et dentelées tremblaient sur le plancher ; le long des murs étaient suspendus des rayons couverts de livres, avec quelques portraits de gens graves et imposants.

— Vous sentirez-vous bien ici ? demanda Nicolas en conduisant la mère dans une chambre dont une fenêtre donnait sur le jardin, et une autre sur la cour recouverte d’un épais gazon. Et, là aussi, les murs étaient garnis de rayons chargés de livres.

— J’aime mieux la cuisine.

Il lui semblait que Nicolas avait peur de quelque chose. Il la dissuada d’un air embarrassé et lorsqu’elle renonça à rester dans la cuisine, il redevint brusquement satisfait.

Dans les trois chambres régnait une atmosphère particulière : il était agréable d’y respirer, mais la voix s’y faisait plus basse instinctivement ; on n’avait pas envie de parler fort, ni de troubler la paisible méditation des personnages qui vous regardaient du haut de leurs cadres avec un air concentré.

— Il faut arroser les plantes ! dit la mère en tâtant du doigt la terre des vases.

— Oui, oui, dit le maître de la maison avec confusion. Vous savez, j’aime les fleurs, mais je n’ai pas le temps de m’en occuper.

Pélaguée remarqua que, même dans son confortable appartement, Nicolas marchait avec prudence, sans bruit, comme étranger et lointain à tout ce qui l’entourait. Il plaçait son visage tout près de ce qu’il voulait voir, arrangeait ses lunettes avec les doigts minces de sa main droite, braquant une question muette sur l’objet qu’il considérait. On aurait dit qu’il venait d’arriver avec la mère, que tout dans la pièce lui était inconnu. Alors, le voyant si distrait, Pélaguée se sentit tout à fait chez elle dans cet appartement.

Elle suivit Nicolas, notant dans sa mémoire la place de chaque chose et le questionnant sur sa manière de vivre ; il répondait du ton embarrassé de quelqu’un qui