Page:Gorki - La Mère, 1945.djvu/202

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Il partit pour son bureau, et la mère songea à cette cause qui rendait de jour en jour les hommes plus calmes et plus obstinés. Et il lui sembla qu’elle était comme devant une montagne, dans l’obscurité.

Vers midi, arriva une dame grande et bien faite, vêtue de noir. Quand la mère lui eut ouvert la porte, elle jeta à terre une petite valise jaune et saisit vivement la main de Pélaguée en disant :

— Vous êtes la mère de Pavel Vlassov, n’est-ce pas ?

— Oui, c’est moi ! répondit Pélaguée, gênée par l’élégance de la dame.

— Vous êtes telle que je me le figurais ! Mon frère m’a écrit que vous iriez vivre chez lui ! Il y a longtemps que nous sommes amis, votre fils et moi… Il m’a souvent parlé de vous…

Elle avait la voix sourde et parlait lentement, mais ses mouvements étaient vifs et décidés. Ses grands yeux gris avaient un sourire franc et jeune. De fines petites rides rayonnaient déjà sur ses tempes et des cheveux blancs comme l’argent brillaient au-dessus de ses oreilles menues.

— J’ai faim ! déclara-t-elle. J’aimerais bien boire une tasse de café…

— Je vais en faire immédiatement, dit la mère, et, sortant une cafetière de l’armoire, elle demanda à voix basse :

— Pavel parle-t-il vraiment de moi ?

— Certainement, et souvent même !

La sœur de Nicolas tira un petit étui de sa poche, prit une cigarette et l’alluma ; marchant à grands pas dans la pièce, elle reprit :

— Vous êtes très inquiète à son sujet ?

Tout en regardant la flamme bleuâtre de la lampe à esprit de vin trembler sous la cafetière, la mère souriait. Son embarras avait disparu dans la profondeur de sa joie.

« Ainsi, il parle de moi, mon chéri ! » pensa-t-elle. Elle reprit :

— Vous me demandez si je suis inquiète ?… Naturellement, c’est douloureux… mais c’était pire, auparavant… maintenant, je sais qu’il n’est pas seul…

Fixant ses yeux sur le visage de la visiteuse, elle lui demanda :