Page:Gorki - La Mère, 1945.djvu/275

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de Pavel, c’était elle ; mais elle se retint et pensa avec tristesse et un peu d’ironie :

« Ah ! vieille sotte que je suis !… »

— Mangez donc !… Vous serez plus vite guéri pour reprendre la bonne besogne ! dit-elle tout d’un coup avec émotion en se penchant vers lui. La cause du peuple a besoin de bras jeunes et robustes, de cœurs purs, d’esprits loyaux… ce sont ces forces qui le font vivre, c’est par elles que seront vaincus tout le mal et toute l’infamie…

La porte s’ouvrit, laissant entrer le froid humide de l’automne. Sophie parut, joyeuse, les joues toutes rouges.

— Les espions me poursuivent comme les décavés une riche héritière, ma parole d’honneur ! Il faut que je parte d’ici… Eh bien, Ivan, comment allez-vous ? Bien ?… Pélaguée, que dit Pavel ?… Sachenka est ici ?

Tout en allumant une cigarette, elle questionnait sans attendre les réponses. Elle caressait la mère et le jeune homme du regard de ses yeux gris. La mère la considérait et pensait avec un sourire intérieur :

« Et voilà que moi aussi, je deviens une créature humaine… et une bonne même ! »

Se penchant de nouveau vers Ivan, elle dit :

— Guérissez-vous, mon garçon !

Et elle alla dans la salle à manger, où Sophie disait à Sachenka :

— Elle en a déjà préparé trois cents exemplaires. Elle se tue à l’ouvrage… Quel héroïsme ! Savez-vous, Sachenka, c’est un grand bonheur que de vivre parmi des gens pareils, d’être leur camarade, de travailler avec eux…

— Oui ! répondit la jeune fille à voix basse.

Le soir, Sophie dit :

— Mère, il faudra que vous fassiez de nouveau un voyage à la campagne !…

— Avec plaisir ! Quand faut-il partir ?

— Dans trois jours… cela vous va-t-il ?…

— Oui !

— Mais vous n’irez pas à pied ! conseilla Nicolas à mi-voix. Vous louerez des cheveux de poste et vous prendrez une autre route, par le district de Nikolski…

Il se tut ; il avait un air sombre qui n’allait pas à son