Page:Gorki - La Mère, 1945.djvu/313

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Que le diable les emporte ! répondit-elle tranquillement.

Le soir, le docteur arriva.

— Pourquoi les autorités sont-elles tout à coup si agitées ? demanda-t-il, allant et venant dans la pièce. Il y a eu sept perquisitions cette nuit… Où est le malade ?

— Il est parti hier ! répondit Nicolas. C’est samedi aujourd’hui… il ne pouvait pas manquer la séance de lecture, comprends-tu…

— C’est stupide d’aller à une conférence quand on a la tête fendue…

— C’est ce que j’ai essayé de lui démontrer, mais en vain…

— Il avait envie de fanfaronner devant ses camarades, dit la mère, de leur montrer qu’il avait déjà versé son sang pour la cause.

Le docteur lui jeta un coup d’œil, prit un air féroce et déclara en serrant les dents :

— Oh ! que vous êtes sanguinaires !

— Eh bien, mon ami, tu n’as plus rien à faire ici, et nous attendons des visites, va-t’en ! Mère, donnez-lui donc le papier…

— Encore ? s’écria le médecin.

— Tiens, prends et porte-le à l’imprimerie !

— Entendu. Je le porterai. C’est tout ?

— Oui… Il y a un espion devant la maison…

— Je l’ai vu… Chez moi aussi. Eh bien, au revoir ! Au revoir ! femme cruelle ! Savez-vous, mes amis, la bagarre du cimetière est une excellente affaire, en définitive ! On en parle dans toute la ville, ça émotionne les gens et les oblige à réfléchir… Ton article à ce sujet était très bien et il a paru au bon moment. J’ai toujours dit qu’une bonne querelle valait mieux qu’un mauvais arrangement…

— C’est bon, va-t’en !…

— Tu n’es pas très aimable ! Votre main, mère ! Le gamin a agi stupidement. Tu sais où il demeure ?

Nicolas donna l’adresse.

— Il faut aller chez lui demain… c’est un brave garçon, n’est-ce pas ?

— Oui… un excellent cœur…

— Il ne faut pas le perdre de vue, il n’est pas bête ! dit le médecin en s’en allant. Ce sont justement ces