Page:Gorki - La Mère, 1945.djvu/315

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— Bien entendu !… Vous devez être atrocement fatiguée, mère, il faut aller vous coucher ! Vous êtes robuste, cependant, tous ces soucis, toutes ces inquiétudes… vous les supportez admirablement. Vos cheveux seulement ont blanchi très vite… Allez vous reposer, allez…

Ils se serrèrent la main et se quittèrent.


XIX


La mère s’endormit vite et tranquillement ; au matin, des coups violents frappés à la porte de la cuisine la réveillèrent. On heurtait avec entêtement. Il faisait encore sombre. S’habillant à la hâte, la mère courut à la cuisine et demanda de derrière la porte :

— Qui est là ?

— Moi ! répondit une voix inconnue.

— Qui ?

— Ouvrez ! reprit la voix, basse et suppliante.

La mère tira le verrou et poussa la porte. Ignati entra, s’écriant avec joie :

— Ah ! je ne me suis pas trompé ! Je suis au bon endroit…

Il était couvert de boue jusqu’à la ceinture, il avait le visage blême, les yeux cernés ; ses cheveux bouclés s’échappaient en désordre de dessous sa casquette :

— Il est arrivé des malheurs chez nous ! chuchota-t-il en fermant la porte.

— Je le sais…

L’ouvrier s’étonna et demanda avec un clignement d’œil :

— Comment ?… Par qui ?

La mère raconta brièvement sa rencontre.

— Et les deux autres, tes camarades, on les a aussi arrêtés ?

— Ils n’étaient pas là, ils étaient au conseil de révision. On en a arrêté cinq, en comptant Rybine.

Il renifla et dit en souriant :

— Et moi, je suis resté libre… On me cherche probablement… Qu’ils me cherchent ! Je n’y retournerai