Page:Gorki - La Mère, 1945.djvu/324

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Puis on aperçut une tête ronde et barbue, à cheveux gris, sans coiffure, à l’expression débonnaire et aux yeux bombés.

Vessoftchikov aida l’homme à faire entrer la baignoire ; puis le nouveau venu, grand gaillard voûté, toussa en gonflant ses joues glabres, cracha et dit de la même voix enrouée :

— Bonsoir !

— Eh bien, demande-lui ! s’écria le jeune homme.

— Quoi ? Que voulez-vous me demander ?

— À propos de l’évasion…

— Ah ! dit le vieillard en essuyant sa moustache de ses doigts noirs.

— Voyez-vous, Jacob, elle ne croit pas que ce soit très facile à organiser…

— Ah ! elle ne croit pas ? Elle ne croit pas, c’est-à-dire qu’elle ne veut pas. Mais nous deux, comme nous voulons que ça se fasse, nous croyons que c’est très facile, répliqua tranquillement l’homme.

Se pliant à angle droit, il fut repris d’une quinte de toux, puis resta longtemps au milieu de la pièce en reniflant et en se frottant la poitrine. Les yeux écarquillés, il regardait la mère.

— Mais ce n’est pas moi qui décide de cette question ! fit observer la mère.

— Parle avec les autres, dis-leur que tout est prêt ! Ah ! si je pouvais les voir, je saurais bien les convaincre ! s’écria le grêlé.

Il étendit les bras en un large geste, puis les croisa comme pour étreindre on ne sait quoi ; dans sa voix, un sentiment dont l’énergie étonnait la mère, résonnait avec ardeur.

— Voyez-vous, comme il a changé ! pensa-t-elle, et elle reprit à haute voix :

— C’est Pavel et ses camarades qui décideront…

Pensif, le grêlé baissa la tête.

— Qui est ce Pavel ? demanda le vieillard en s’asseyant.

— Mon fils !

— Quel est son nom de famille ?

— Vlassov.

Il hocha la tête, sortit sa blague à tabac de sa poche et dit en bourrant sa pipe :