Page:Gorki - La Mère, 1945.djvu/341

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haussant les épaules le Petit-Russien de sa voix chantante et traînante. Je n’ai ni tué, ni volé : seulement je n’admets pas cette organisation de la vie qui oblige les hommes à se dépouiller et à s’assassiner mutuellement…

— Répondez par oui ou par non ! dit le vieillard avec effort, mais distinctement.

La mère sentait que, derrière elle, grondait une excitation ; les voisins chuchotaient et remuaient comme pour se débarrasser de la toile d’araignée que semblaient tisser les paroles grises de l’homme en porcelaine.

— Tu entends comme ils répondent ? chuchota Sizov à la mère.

— Oui !

— Fédia Mazine, répondez !

— Je ne veux pas ! dit Fédia nettement en se levant.

Son visage était rouge d’émotion, ses yeux brillaient.

Sizov poussa un « Ah ! » étouffé.

— Je n’ai pas voulu de défenseur… je ne veux rien dire… je considère votre jugement comme illégitime… Qui êtes-vous ? Est-ce le peuple qui vous a donné le droit de nous juger ? Non, il ne vous l’a pas donné ! Je ne vous connais pas !

Il s’assit et dissimula son visage enflammé derrière l’épaule d’André.

Le gros juge se pencha vers le président en chuchotant. Le juge au visage pâle jeta un coup d’œil oblique sur les prévenus et barra quelque chose au crayon, sur le papier qui se trouvait devant lui. Le syndic du bailliage hocha la tête et remua les pieds avec précaution. Le maréchal de la noblesse conversait avec le procureur, le maire prêtait l’oreille et souriait en se frottant la joue.

De nouveau, le président se mit à parler de sa voix terne.

Les quatre avocats écoutaient avec attention ; les prévenus chuchotaient entre eux ; Fédia se cachait toujours en souriant avec embarras.

— As-tu vu ça ?… Il a mieux parlé que tous les autres ! chuchota Sizov à l’oreille de la mère. Ah ! ce polisson !

La mère sourit, sans comprendre… Tout ce qui se