Page:Gorki - La Mère, 1945.djvu/44

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Il plaisait toujours davantage à Pélaguée. Quand il l’appelait « petite mère », il lui semblait qu’une douce main d’enfant lui caressait la joue. Le dimanche, si Pavel était occupé, c’était lui qui fendait du bois ; un jour, il arriva portant une planche ; il prit la hache et remplaça adroitement une marche pourrie du perron ; une autre fois, il répara la palissade qui menaçait ruine. Tout en travaillant, il sifflait de beaux airs mélancoliques…

La mère dit un jour à Pavel :

— Si nous prenions le Petit-Russien en pension ? Ce sera plus commode pour vous, au lieu de courir sans cesse l’un chez l’autre.

— Pourquoi vous donner ce tracas ? demanda Pavel en haussant les épaules.

— Quelle idée ? Pendant toute ma vie, je me suis tourmentée sans savoir pourquoi, je puis bien faire ça pour un brave homme.

— Faites comme vous voulez ! répliqua Pavel. S’il accepte, je serai content.

Et le Petit-Russien vint habiter chez eux…


VIII


La petite maison de l’extrémité du faubourg excitait l’attention ; déjà, bien des regards méfiants en avaient franchi les murs. Les ailes de la rumeur publique s’agitaient au-dessus d’elle ; on essayait de découvrir le mystère qui s’y cachait. La nuit, on venait regarder à la fenêtre ; parfois quelqu’un frappait à la vitre, puis s’enfuyait, bien vite.

Un jour, dans la rue, le cabaretier Bégountzev arrêta la mère de Pavel. C’était un joli petit vieillard, qui portait toujours un foulard de soie noire autour de son cou rouge et ridé. Des lunettes d’écaille surmontaient son nez brillant et pointu, ce qui lui avait valu le surnom de « Yeux d’os ».

Sans reprendre haleine, ni attendre les réponses, il avait surpris Pélaguée par une avalanche de paroles sèches et pétillantes :

— Comment allez-vous, Pélaguée Nilovna ? Et votre