Page:Gorki - La Mère, 1945.djvu/80

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— C’est moi ! répondit-il en inclinant sa grosse tête.

Il avait les cheveux longs comme un chantre d’église. Un bon sourire éclairait son visage rond ; ses petits yeux gris considéraient la mère avec une expression caressante. Il ressemblait à un samovar avec son petit corps rond, son gros cou et ses bras courts. Sa figure reluisait ; il respirait avec bruit ; dans sa poitrine bouillonnait et ronflait constamment on ne sait quoi…

— Allez dans la chambre, je vais m’habiller ! proposa la mère.

— Nous avons quelque chose à vous dire ! répondit Samoïlov d’un air préoccupé en la regardant en dessous.

Iégor passa dans la pièce voisine en disant :

— Chère grand-mère, ce matin, un de nos amis est sorti de prison… Il y est resté trois mois et onze jours… Il a vu le Petit-Russien et Pavel qui vous envoient leurs salutations ; de plus, votre fils vous prie de ne pas vous inquiéter à son sujet et de vous dire que, dans la voie qu’il a choisie, c’est la prison qui sert de lieu de repos ; ainsi en ont décidé nos autorités toujours soucieuses de notre bien-être… Maintenant, grand-mère, arrivons au fait. Savez-vous combien de personnes ont été arrêtées hier ?

— Non. Pavel ne serait-il pas le seul ? s’écria la mère.

— C’est le quarante-neuvième ! interrompit Iégor Ivanovitch avec calme. Et il faut s’attendre à ce que l’autorité en arrête encore une dizaine. Ce monsieur-là entre autres…

— Moi-même ! dit Samoïlov d’un air sombre.

Pélaguée se sentit respirer plus facilement.

— Il n’est pas seul là-bas ! se dit-elle.

Lorsqu’elle fut habillée, elle entra dans la chambre, souriant avec vaillance à ses hôtes.

— On ne les gardera sans doute pas longtemps s’ils sont si nombreux !

— Vous avez raison ! répliqua Iégor Ivanovitch. Et si nous parvenons à gâter le jeu de nos adversaires, ils ne seront pas plus avancés qu’auparavant… Voici de quoi il retourne : si nous cessons de propager nos brochures maintenant, les fichus gendarmes ne manqueront pas de le remarquer et porteront ce fait au compte de Pavel et des camarades, compagnons de sa captivité.