Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/134

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soin, peignait ses cheveux roux, lissait sa barbe et se regardait dans le miroir. C’était seulement après avoir tiré sa blouse et arrangé son foulard noir sur son gilet, qu’il s’en allait vers les images saintes, et furtivement, semblait-il. Il s’arrêtait toujours au même nœud du plancher, restait silencieux un instant, baissait la tête et laissait pendre les bras le long de son corps, comme un soldat. Puis, mince et droit, pareil à un grand clou, il articulait d’un ton posé :

— Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit !

Il me semblait, qu’après ces paroles, un silence spécial régnait dans la pièce et que les mouches elles-mêmes bourdonnaient plus doucement.

Grand-père est debout : la tête rejetée en arrière, les sourcils haussés et la barbe d’or horizontale, il récite ses prières avec assurance et comme s’il répondait à un professeur. Sa voix est nette et impérieuse.

— Le Juge viendra et les œuvres de chacun seront dévoilées…

Il se frappe la poitrine, sans ardeur, et affirme avec insistance :

— J’ai péché envers Toi seul ; détourne Ton visage de mes crimes…

Il récite le Credo en martelant les mots, et sa jambe gauche frémit, comme si elle se mouvait au rythme de la prière. Tout son corps se tend vers les icônes, s’allonge, devient toujours plus mince, plus sec, tandis qu’il achève d’une voix exigeante :

— Guéris mon âme de ses passions séculaires ! Je t’apporte sans cesse les gémissements de mon cœur ; sois miséricordieux, ô Seigneur !