Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/139

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— On ne ferait pas mal de vous attacher ensemble par la jambe, Jacob et toi, et de vous jeter à l’eau. Il ne devrait pas chanter ces chansons-là, et toi tu ne devrais pas les écouter. Ce sont des plaisanteries inventées par les schismatiques, par les hérétiques.

Il se mettait à réfléchir, les yeux fixés au loin, et soupirait tout bas.

Mais, bien que plaçant son Dieu menaçant très haut au-dessus des hommes, il le faisait néanmoins participer à toutes ses affaires, ainsi qu’une innombrable quantité de saints. Grand’mère agissait de même pour le sien à elle, cependant elle semblait ignorer les saints, sauf saint Nicolas, saint Georges, saint Frola et saint Labre, bonnes gens, très familiers, qui parcourent les villages et interviennent dans la vie des hommes dont ils ne se différencient pas beaucoup. Les saints de grand-père, eux, étaient presque tous des martyrs : ils avaient brisé des idoles ou résisté aux empereurs de Rome ; aussi les avait-on mis à la torture, brûlés ou écorchés vifs.

Parfois, mon aïeul rêvait tout haut :

— Ah ! si le Seigneur m’aidait à vendre cette maison, ne serait-ce qu’avec cinq cents roubles de bénéfice, je ferais célébrer une messe en l’honneur de saint Nicolas…

Et grand’mère en riant me confiait :

— Le vieux nigaud ! Il s’imagine que saint Nicolas va aider à vendre la maison ; comme si ce brave saint n’avait rien de mieux à faire !

Longtemps, je conservai le calendrier ecclésiastique de grand-père enrichi de nombreuses annotations de sa main. Ainsi, en face du jour consacré à