Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/157

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apercevait une goutte de confiture, il s’empressait de la lécher.

Petrovna, elle, s’était munie d’eau-de-cerises et la joyeuse petite dame, de noix et de bonbons. Alors le festin commençait, pour la plus grande joie de grand’mère.

Quelque temps après que Bonne-Affaire eut tenté de me soudoyer, afin que je ne vinsse plus lui rendre visite, mon aïeule organisa une soirée de ce genre. La pluie d’automne tombait et rejaillissait sans répit : le vent gémissait dans les arbres, dont les branches agitées venaient griffer le mur. Dans la cuisine, il faisait bon ; nous étions assis côte à côte, affectueux et paisibles, et grand’mère ne tarissait pas de raconter des histoires toutes plus belles les unes que les autres.

Assise sur le rebord du poêle, les pieds sur une marche, elle se penchait vers l’auditoire éclairé par une petite lampe de fer-blanc. D’habitude, quand elle était en veine de narrer, elle ne manquait pas de se hisser sur le poêle en prétextant :

— Il faut que je parle de haut ! Les paroles portent mieux et c’est plus beau !

Je m’installais à ses pieds sur une large marche, dominant presque la tête de Bonne-Affaire. Grand’mère contait la belle histoire d’Ivan le guerrier et de Mirone l’ermite, et ses paroles nettes et savoureuses nous arrivaient en cadence.

… « Il était une fois un méchant voïvode nommé Gordion.

Il avait une âme noire et une conscience de pierre