Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/172

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

parce qu’il y avait dans leur simplicité quelque chose de mystérieux et de vexant à la fois : car, enfin, il n’était pas nécessaire d’être très malin pour savoir prendre une pierre, un marteau, un chanteau de pain ou une tasse.

Dans la maison, on aimait de moins en moins notre pensionnaire ; le chat de la joyeuse locataire lui-même, qui grimpait sur les genoux de tout le monde, exceptait Bonne-Affaire de ce témoignage de confiance et l’animal, si obéissant et si caressant d’habitude, ne répondait pas à son appel. Je l’en punissais en lui tirant les oreilles, et les larmes aux yeux, je le suppliais de ne pas avoir peur de mon ami.

— Mes habits sentent l’acide, c’est pourquoi le chat m’évite, m’expliqua Bonne-Affaire.

Mais je savais que tout le monde, et même grand’mère, avait sur ce point des idées différentes, fausses d’ailleurs et très injustes à mon sens.

— Pourquoi rôdes-tu toujours dans sa chambre ? grommelait grand’mère. Prends garde qu’il ne t’enseigne Dieu sait quoi…

Grand-père me rossait cruellement chaque fois qu’il apprenait que j’avais rendu visite à notre pensionnaire. Je me gardais de rapporter à Bonne-Affaire qu’on m’avait interdit de le fréquenter, mais je lui racontais en toute franchise ce que les gens pensaient de lui :

— Grand’mère a peur de toi ; elle dit que tu es un magicien noir ; grand-père, lui, croit que tu es l’ennemi de Dieu et que tu es dangereux pour les hommes…

Il secouait la tête comme pour se débarrasser d’une mouche ; un sourire empourprait sa figure crayeuse,