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IX


Je me fais assez l’effet d’avoir été dans mon enfance comme une de ces ruches où des gens sans culture ni prétentions apportaient le miel de leur expérience et de leur connaissance de la vie, enrichissant mon âme avec générosité selon leurs moyens. Souvent ce miel était impur et amer ; néanmoins, la connaissance est toujours un butin.

Après le départ de Bonne-Affaire, ce fut l’oncle Piotre qui se lia avec moi. Il était aussi propret, aussi sec et aussi soigneux que grand-père auquel il ressemblait d’ailleurs, bien que plus faible et de moindres proportions ; on eût dit un adolescent qui, pour s’amuser, aurait endossé les vêtements d’un vieillard. Il avait un visage ridé, strié, un peu comme une grille, avec de minces replis de chair entre lesquels sautillaient, pareils à des serins dans une cage, des yeux amusants et vifs, à la cornée jaunâtre.