Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/227

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cet enfant, et d’abord cela ne te regarde pas, intervint grand’mère, irritée.

Ma mère l’enlaça :

— Ah ! maman, ma chère petite maman…

— Laisse-moi ! Laisse-moi !

Elles se regardèrent et se turent, puis se séparèrent : on entendait grand-père qui piétinait dans le corridor.

Dès son retour, ma mère s’était liée avec la joyeuse petite femme du militaire et, presque tous les soirs, elle se rendait chez cette dernière, qui recevait aussi les belles dames et les officiers de la maison Betleng. Grand-père était mécontent de ces visites : plus d’une fois, pendant le souper, il brandissait sa cuiller en maugréant :

— Les maudits ! Les voilà encore réunis ! Ils m’empêcheront jusqu’au matin de fermer l’œil !

Bientôt, il donna congé au militaire et, dès que l’appartement fut vide, ramena on ne sait d’où deux voitures de meubles dont il garnit les pièces qui donnaient sur la rue. Il les ferma ensuite avec un grand calme et déclara :

— Nous n’avons pas besoin de locataires. C’est moi dorénavant qui recevrai les visites !

Et ce fut ainsi que le dimanche nous eûmes des hôtes ; c’était Matriona Serguiéva, la sœur de grand’mère, une blanchisseuse qui avait un grand nez, une voix criarde et qui portait une robe de soie et une coiffe couleur d’or. Elle était accompagnée de ses fils Vassily et Victor ; le premier, tout en gris, était un bon et joyeux gaillard, qui exerçait la profession de dessinateur ; son frère exhibait un costume plus fantaisiste et son visage étroit était parsemé de taches de