Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/26

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— C’était un fieffé imbécile, ce feu Maxime, que Dieu me pardonne ! proclama grand-père, d’un ton irrité et tranchant.

Ces paroles m’offensèrent. Il s’en aperçut.

— Pourquoi fais-tu la moue ? Voyez-vous ça !…

Tout en lissant ses cheveux roux et argentés, il ajouta :

— Eh bien, moi, je fouetterai Sachka samedi !

— Qu’est-ce que cela signifie « fouetter » ?

Tout le monde se mit à rire et grand-père déclara :

— Attends jusqu’à samedi et tu l’apprendras !

Je me retirai dans un coin où je me mis à réfléchir. Fouetter signifiait sans doute préparer les habits qu’on apportait à teindre. Battre et fouetter, c’était probablement la même chose. On donne des coups aux chevaux, aux chiens, aux chats ; à Astrakhan, les sergents de ville battaient les Persans, j’avais été témoin de quelques scènes de ce genre, mais je n’avais jamais vu frapper de petits enfants. Il arrivait bien cependant à mes oncles de distribuer aux leurs des chiquenaudes sur le front ou sur la nuque, mais mes cousins n’accordaient aucune importance à ces manifestations ; ils se contentaient de frotter l’endroit blessé et souvent quand je leur demandais : « Il t’a fait mal ? » Ils répondaient avec insouciance : « Mais non, absolument pas. »

Je connaissais l’horrible histoire du dé. Tous les soirs, entre le thé et le souper, les oncles et le contremaître recousaient les morceaux d’étoffe teinte et attachaient à chacun son étiquette de papier. Pour faire une farce à Grigory, qui était presque aveugle, l’oncle Mikhaïl avait commandé un jour à son neveu