Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/267

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— Donnez-lui une infusion…

— Il sommeille, dit grand’mère, et, m’emportant dans ses bras, elle se dirigea vers la porte.

Mais je ne dormais pas ; j’avais seulement fermé les yeux ; et comme elle me montait au grenier, je lui demandai dans l’escalier :

— Pourquoi ne m’as-tu pas parlé de cela ?

— Toi, tais-toi ! Entends-tu ?

— Vous me trompez tous…

Après m’avoir posé sur le lit, elle se cacha la tête dans un oreiller et se mit à pleurer ; ses épaules tremblaient sans discontinuer ; enfin, d’une voix haletante, elle murmura :

— Pleure donc… pleure un peu…

Je n’avais pas envie de pleurer. Il faisait froid et sombre ; je frissonnais, le lit grinçait ; je revoyais la vieille femme verte ; je feignis de dormir et grand’mère s’en alla.

Quelques journées vides se déroulèrent monotonement ; après les accordailles, ma mère était partie ; un silence accablant régnait dans la maison.

Un matin, grand-père survint, un bec-d’âne à la main et se mit en devoir d’enlever le mastic de la double-fenêtre. Grand’mère lui ayant apporté un baquet d’eau et des chiffons, il lui demanda à mi-voix :

— Eh bien, ma vieille…

— Quoi ?

Elle lui répliqua en employant les mêmes mots qu’elle m’avait adressés dans l’escalier :

— Toi, tais-toi, entends-tu ?

Les paroles les plus ordinaires avaient maintenant