Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/272

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les endroits où la terre glissait sur le pourtour de mon domaine. Je rassemblai des tessons de bouteilles et des éclats de verre irisé, et les fixai avec de l’argile dans les fentes entre les briques de sorte que, quand le soleil donnait dans le bas-fond, les parois, comme les vitraux de l’église, flamboyaient de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel.

— Tu as eu une bonne idée ! me dit un jour grand-père, en examinant ce travail. Seulement, les mauvaises herbes vont t’envahir ! Attends, je vais remuer la terre avec la bêche ! Va me la chercher !

J’apportai la bêche et grand-père, ayant craché dans ses mains et toussé au préalable une ou deux fois, enfonça du pied l’outil très profondément dans la terre grasse.

— Enlève les racines et je te planterai des mauves et des tournesols. Tu verras que ce sera très joli !

Mais tout à coup, il se tut, et, penché sur la bêche, resta longtemps immobile. Je le regardai avec attention : de ses petits yeux intelligents et vifs comme ceux d’un jeune chien, des larmes s’échappaient et tombaient sur la terre.

— Qu’as-tu ?

Il se secoua, essuya de la paume de la main son visage ridé et, me jetant un vague coup d’œil :

— Je transpire ! Regarde donc tous ces vers !

Puis, s’étant remis à creuser, il s’arrêta soudain et déclara :

— C’est un travail inutile que tu as fait là, mon ami. Un travail inutile ! La maison sera bientôt vendue. Oui, je la vendrai sans doute vers l’automne, car j’ai besoin d’argent pour doter ta mère. Il