Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/278

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d’apoplexie, ou bien ce seront des voleurs qui viendront et vous étrangleront.

Le soleil se couche, des torrents de feu se répandent dans le ciel et s’opalisent par degrés ; une cendre d’or rouge tombe sur la verdure veloutée du jardin. Encore quelques instants, puis, tout s’assombrit rapidement, tout s’élargit et se gonfle. Rassasiées de soleil, les feuilles s’inclinent ; les herbes se penchent vers la terre ; tout apparaît plus délicat et plus somptueux ; des parfums doux et divers, caressants comme des musiques, montent dans l’air et c’est aussi une musique qui vient de loin, de la campagne où l’on sonne la retraite dans les camps. La nuit descend, et avec elle quelque chose de fort et de rafraîchissant coule dans la poitrine : on dirait une bonne caresse de mère. Le silence vous frôle le cœur comme une main tiède. Et toutes les ressouvenances mauvaises de la journée, tout ce qu’il faut oublier s’efface de la mémoire. Quel enchantement que de s’étendre sur le dos et de contempler les étoiles qui s’allument en accentuant la profondeur du ciel ! Profondeur de plus en plus illuminée de nouvelles étoiles ! Quelque chose vous soulève de terre : est-ce la terre qui s’est rapetissée à votre taille, ou est-ce vous qui avez miraculeusement grandi ? L’obscurité devient de plus en plus dense et le silence augmente, mais partout des cordes invisibles et sensibles sont tendues ; qu’un oiseau chante, qu’un hérisson passe en courant ou qu’une voix humaine s’élève avec douceur, les sons vibrent, atténués, et ce silence frémissant les souligne avec amour.