Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/315

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quintaux — hurlait avec des éclats de rire formidables :

— Vouou, vouou ! La parole, c’est de l’herbe ; la parole, c’est de la petite monnaie, mais c’est aussi de l’or, la parole !

Un soir, il avait fait asseoir sur sa main Viakhir et l’avait soulevé très haut en disant :

— C’est là qu’il faut que tu vives, au ciel !

Les jours de pluie, nous nous rassemblions chez Jaze, au cimetière, dans la loge de son père. Celui-ci était un homme aux longs bras, aux os tordus et comme usé par la vie. Sur son crâne minuscule et sur son visage noir poussaient des touffes de poils sales ; sa tête ressemblait à de la bardane desséchée et son long cou maigre à une tige. Il avait une façon voluptueuse de fermer ses yeux jaunes en s’écriant avec volubilité :

— Que Dieu me préserve de l’insomnie. Oukh !

Chaque fois que nous nous rendions chez lui, nous achetions dix grammes de thé, un demi-quart de livre de sucre et du pain. Une petite bouteille d’eau-de-vie lui était destinée particulièrement et Tchourka lui ordonnait d’un ton sévère :

— Chauffe le samovar, vilain homme !

Le gardien souriait et allumait le samovar d’étain ; en attendant le thé, nous discutions de nos affaires et il nous donnait de bons conseils.

— Faites attention, ouvrez l’œil ; après-demain, il y aura chez les Troussof une cérémonie commémorative ; un grand repas à l’occasion de l’anniversaire d’une mort et vous trouverez des os en quantité.

— C’est la cuisinière qui se les réserve, les os,