Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/40

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a enflé ! C’était bien plus vilain encore, mais ça s’est guéri peu à peu. Tu comprends : quand le grand-père s’est mis en colère, et que j’ai vu qu’il allait te fouetter à mort, j’ai présenté le bras aux coups. J’espérais que la baguette se casserait et, durant le temps qu’il en aurait cherché une autre, la grand’mère ou ta mère t’aurait enlevé de la chambre. Mais la baguette ne s’est pas cassée ; elle était souple ; elle avait été trempée dans l’eau ! Et pourtant, tu en as moins reçu qu’il ne pensait ; tu vois la marque de ceux-ci, c’est toujours autant de coups que tu n’as pas eus ! Je suis roublard, moi, mon ami !

Il se mit à rire d’un rire caressant, comme soyeux ; puis, regardant encore son bras enflé, il déclara avec un bon sourire :

— Tu m’as tellement fait pitié que j’en ai perdu le souffle ! Ah ! Malheur ! Et lui, il continuait à fouetter.

S’ébrouant comme un cheval, il hocha la tête et se mit à parler de son ouvrage. Je le sentais tout proche de mon cœur ; il était simple comme un enfant.

Je lui confiai que je l’aimais beaucoup ; avec une simplicité inoubliable, il me répondit :

— Mais moi aussi, je t’aime ; c’est parce que je t’aime que j’ai accepté la souffrance. L’aurais-je fait pour quelqu’un d’autre ? Non ! je m’en fiche, des autres.

Ensuite, et tout en jetant de temps en temps un regard sur la porte, il me donna des conseils :

— Une autre fois, quand tu seras fouetté, ne te contracte pas, comprends-tu, ne serre pas la peau.