Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/7

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Ni mon père ni ma mère ne prononçaient si souvent et avec une telle confiance familière le nom de Dieu.

Peu de jours après ces événements, je me trouve en bateau, dans une petite cabine, avec ma mère et grand’maman ; mon frère nouveau-né Maxime était mort et on venait de le coucher sur une table dans un coin, enveloppé d’un lange blanc bordé de rouge.

Juché sur des malles et des paquets, par une sorte de fenêtre ronde et bombée comme l’œil d’une jument, je regarde le paysage : une eau trouble et écumeuse court sans cesse derrière la vitre mouillée. Parfois une vague se redresse qui vient lécher le hublot, et instinctivement je saute à terre.

— N’aie pas peur, rassure grand’mère, et ses bras tendus me soulèvent sans effort et m’installent de nouveau sur les ballots.

Une brume grise plane au-dessus de la rivière, tandis qu’au loin une bande de terre verte alternativement se montre et disparaît dans l’atmosphère brouillée. Tout tremble. Seule ma mère, debout, appuyée à la cloison et les mains croisées derrière la tête, garde une immobilité rigide. Son visage est sombre et impassible, comme un masque d’airain ; ses paupières sont closes. Elle ne parle pas. Elle m’apparaît toute changée, toute différente ; et la robe même qu’elle porte est nouvelle pour moi.

Souvent grand’mère, à mi-voix, lui propose :