Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/88

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— Tu devrais te débarbouiller ! conseilla-t-elle ; elle-même était couverte de suie et une odeur âcre émanait de sa robe.

Grand-père soupira :

— Le Seigneur est miséricordieux ; quelle intelligence il t’a donnée !…

Et, après lui avoir caressé l’épaule, il reprit :

— Par moments, veux-je dire, pendant une heure ou deux ; mais enfin, oui, tu as parfois de la raison !

Grand’mère sourit à son tour ; elle allait répliquer lorsqu’il continua, le front rembruni :

— Il faut renvoyer Grigory ; c’est par sa négligence que le feu a éclaté. Il est à bout de forces, cet homme, il est vidé. Jacob larmoie sur le perron, comme un nigaud… Si tu allais voir…

Elle se leva et sortit en soufflant sur ses doigts. Sans me regarder, grand-père à mi-voix m’interrogea :

— Tu as vu l’incendie depuis le commencement ? Eh bien, que dis-tu de grand’mère ? C’est pourtant une vieille femme… Elle, cassée, usée ? Allons donc !

Il courba le dos, garda longtemps le silence ; puis se leva, moucha la chandelle avec ses doigts et s’adressant de nouveau à moi :

— As-tu eu peur ?

— Non.

— Il n’y avait en effet pas de quoi.

Arrachant brusquement sa blouse, il se dirigea vers un coin où se trouvait un lavabo et là, dans l’ombre, tapant du pied, il déclara à haute voix :

— L’incendie, c’est une sottise ! Celui dont la