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Page:Gouges - L Homme genereux.pdf/48

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Le vieux Montalais.

Dans ce que tu dis-là, mon enfant, il y a plus de philoſophie que tu ne penſes.

Marianne.

Oui, mon pere ; car ſi tous les humains étoient égaux, il y auroit moins de malheureux.

Le vieux Montalais.

Qui le ſait, & qui le ſaura jamais ? Les hommes naiſſent & meurent tous de la même maniere : mais il vivent différemment. L’indigent voit la mort ſans crainte, le riche frémit à toutes les minutes du jour : au ſein des plaiſirs, l’un traîne l’ennui ; & l’autre, au milieu de ſa famille, porte le plaiſir.

Marianne.

Vous avez raiſon, mon pere ; mais croyez-vous que tous ceux que la fortune a favoriſés aient l’ame corrompue ? Je penſe qu’il y a des riches qui ſont bien ſenſibles aux maux des malheureux. Par exemple, Madame de Valmont eſt la femme la plus eſtimable. Comme elle penſe ! Comme elle eſt humaine ! Ses amis lui reſſemblent. La derniere fois que j’ai eu l’honneur d’aller chez elle, j’y vis un homme… Ah, mon pere, que ſon langage étoit intéreſſant ! Il ne parloit que de bienfaiſance, que du luxe des uns & de la miſere des autres. Il me pénétra ſi fort par ſes diſcours, que j’ai ſans ceſſe cet homme reſpectable devant les yeux.

Le vieux Montalais, à part.

Héla, que me dit-elle ? Si ſon cœur… Non,