Page:Gouges - L Homme genereux.pdf/56

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voir manqué à ſa parole d’honneur. Le Gaillard a cru peut-être m’échapper : Le ruſé la Fleur n’eſt pas ſi ſot…

[Au jeune Montalais.]

Tu avois donc voulu me faire ta dupe ? Je t’avois cru, en conſcience, un honnête homme… Comme la fauſſe-phiſionomie eſt fauſſe !

[Pendant que la Fleur parle, le vieux Montalais couvre ſes yeux de ſes poings, Marianne pleure ; le vieux Montalais laiſſe tomber ſes bras ſur la table, le jeune Montalais court à ſon pere.]

Le jeune Montalais.

Ô mon Pere, revenez à vous, ne vous livrez point à la douleur. Que voulez-vous que je vous diſe ? Voyant votre danger inévitable, & n’ayant pas d’argent pour vous dépoſer dans un lieu ſûr, je me ſuis engagé.

Le vieux Montalais, avec fermeté.

Vous avez fait, mon fils, l’action d’un inſenſé. Vous avez une mere, une ſœur, à qui votre appui eſt néceſſaire. Voilà comme les enfans ne ſavent jamais agir que par excès. Je ne puis être touché de votre procédé ; ſi je vous aimois moins, j’en ſerois indigné. Songez, mon fils, ſongez qu’il n’y avoit que la liberté de votre pere en danger, & vous venez de me ravir celle de mon fils ! Eſt-ce moi qui pourrai vous ſauver ? eſt-ce vous qui pourrez me ſecourir ? éloigné de moi, peut-être à deux mille lieue, de votre pauvre mere & de votre ſœur… Montalais, ô mon fils, qu’as-tu fait ?

Le jeune Montalais.

Ah ! mon pere, vous m’arrachez le cœur ; c’eſt le déſeſpoir qui m’a porté à cette démarche imprudente.