Page:Gourmont - La Culture des idées, 1900, 2e éd.djvu/287

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grave, et se déshonorerait, si c’était possible.

Peut-on déshonorer la charité ?

Villiers de l’Isle-Adam, d’un obscène mendiant, disait qu’il déshonorait la pauvreté. C’est aller loin. Si des pauvres sont abjects ils ne déshonorent qu’eux-mêmes ; et la charité est-elle avilie par la danseuse qui, en un hideux bal de bienfaisance, fait choir un plaisir à l’humiliation d’un devoir ? Les mots collectifs ne sont pas responsables des unités qu’ils signifient : élevés au rang d’idées, ils ne peuvent être amoindris par la trahison d’un fait.

Qui peut déshonorer la joie ?

Mais la charité est une joie à laquelle, comme à toutes les joies, il faut un peu d’hypocrisie, le demi-jour, le pas de nom, l’acte d’homme pur et simple, comme la possession d’une femme dont on ne connaîtra que la surface et qui n’entendra que l’anonyme cri de l’Homme, dans l’ombre d’une œuvre secrète.

Février 1896.