Page:Gourmont - Le IIme Livre des masques, 1898.djvu/109

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

d’être la nécessité qui recrée incessamment les races, et l’idée de jouissance intellectuelle, si noble qu’elle constitue à elle seule comme le signe d’une caste. M. Mauclair réussit parfaitement à réunir, pour le temps que durent ses pages d’écriture, ces deux antinomies, la femme debout dans ses voiles à la proue d’un vaisseau et la femme couchée nue dans une alcôve ; son analyse, qui procède par juxtaposition de termes, trouble les logiques coutumières ; on éprouve la fugitive sensation de coucher avec les madones de Raphaël ou avec les nymphes de Jean Goujon : sensation rare, mais peu désirable et peut-être glaciale. La dialectique du rêveur a joué victorieusement, quoique sans résultat définitif, sur ce que le mot luxure comporte de petites idées adventices toutes prêtes, semble-t-il, à s’emmêler aux cheveux de l’Antiope, mais le luxurieux, qui regarde froidement cette nudité peinte, n’est pas sûr « que la sensualité ait été mêlée à l’esthétique depuis les origines ». Les hommes, ceux du commun, ont-ils vraiment tort de se révolter contre la confusion des mots et de ne pas vouloir comprendre que « la luxure est si princièrement riche en songes qu’elle atteint à la pureté » ? Ils ont tort, mais seulement quand c’est