Page:Gourmont - Le IIme Livre des masques, 1898.djvu/195

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A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu…


Voilà qui excite aussitôt la contradiction du chœur des sympathiques malades, et aussi l’étonnement des autres, de ceux pour qui les sons demeurent obstinément invisibles. Sans être affligé du mal de l’audition colorée, on peut néanmoins, si l’on réfléchit, associer une couleur et un son ; personnellement, je contesterais la classification de Rimbaud, pour dire par exemple : U noir, O jaune, et je serais en contradiction avec M. Ghil qui classe l’U dans les ors et l’O dans les rouges.

M. Ghil, d’autre part, a voulu lier le bruit des consonnes aux sons d’une série d’instruments d’orchestre ; ainsi : r avec une lettre rouge, o, par exemple, répond à « la série grave des Sax » et aux idées de domination, de gloire, etc. ; la même lettre r jointe à une lettre or, u, par exemple, répond à « la série des trompettes, clarinettes, fifres et petites flûtes et aux idées de tendresse, du rire, d’instinct d’aimer », etc.

Les mots assument donc, en dehors de leur sens interne, un autre sens, extérieur, moins précis, qui leur est départi par les lettres dont ils sont formés ; de là, la possibilité : soit de renforcer une idée en l’exprimant avec des mots contenant des