Page:Gourmont - Le IIme Livre des masques, 1898.djvu/71

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âmes, leurs détresses, leurs férocités, leur folie ou leur grâce. Toutes les pénitentes de l’Oratoire et quelques autres se sont confessées avec une rare sincérité.

Il y a bien de la méchanceté en tel ou tel chapitre de ce dernier livre, auquel je reviens toujours avec amour, bien de la cruauté, certaines gaucheries, mais quel charme aussi en cette première fleur, même empoisonnée, de l’esprit de serre chaude, de la plante rare qu’est M. Jean Lorrain !

Depuis ces temps, il y a dix ans, l’auteur de tant de chroniques a été très prodigue de son parfum originel, mais il n’a pu l’épuiser, et l’arbuste a gardé assez de sève pour fleurir avec persévérance : ce sont alors des poèmes, des contes, de petites pages où l’on retrouve, avec plus ou moins de miel, tout le poivre sensuel, toute l’audace parfois un peu sadique du disciple, — du seul disciple de Barbey d’Aurevilly. Né dans l’art, M. Lorrain n’a jamais cessé d’aimer son pays natal et d’y faire de fréquents voyages. S’il est enclin à la maraude, aux excursions vers les mondes du parisianisme louche, de la putréfaction galante, le monde « de l’obole, de la natte et de la cuvette », dont un rhéteur grec (Démétrius de Phalère) signalait déjà