Page:Gourmont - Le Livre des masques, 1921.djvu/46

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de nouveauté et de puissance ; ce poète est un fort et, depuis ces Villes tentaculaires qui viennent de surgir avec la violence d’un soulèvement tellurique, nul n’oserait lui contester l’état et la gloire d’un grand poète. Peut-être n’a-t-il pas encore achevé tout à fait l’instrument magique qu’il forge depuis vingt ans. Peut-être n’est-il pas encore tout à fait maître de sa langue ; il est inégal ; il laisse ses plus belles pages s’alourdir d’épithètes inopportunes, et ses plus beaux poèmes s’empêtrer dans ce qu’on appelait jadis le prosaïsme. Pourtant l’impression reste, de puissance et de grandeur, et oui : c’est un grand poète. Écoutez ce fragment des Cathédrales :

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

— Ô ces foules, ces foules
Et la misère et la détresse qui les foulent
Comme des houles !

Les ostensoirs, ornés de soie,
Vers les villes échafaudées,
En toits de verre et de cristal,
Du haut du chœur sacerdotal.
Tendent la croix des gothiques idées.

Ils s’imposent dans l’or des clairs dimanches
— Toussaint, Noël, Pâques et Pentecôtes blanches.
Ils s’imposent dans l’or et dans l’encens et dans la fête
Du grand orgue battant du vol de ses tempêtes