Page:Gourmont - Lettres à Sixtine, 1921.djvu/109

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tant à sentir à mes lèvres ! Comme consolation, je me repose, je suis au vert, je vais accumuler de la tendresse, de la force, comme une machine que l’on maintiendrait jour et nuit sous pression.

Elle sera bien aise de savoir qu’on m’a trouvé bonne mine ; si les mauvaises langues savaient cela, seraient-elles vexées. De fait, je sens que je me porte fort bien. L’action, surtout une certaine action, m’est nécessaire ; autrement, l’imagination fait des siennes et le système nerveux s’en ressent avec le reste.

Je ne me fais pas à cette idée que nous sommes séparés, et hier soir, montant me coucher, j’eus un moment de spleen tel que la tête me tournait presque. La fatigue du voyage l’emporta et ce matin les rêves sont moins noirs. Il y aura encore des moments durs, ceux où je me trouve seul. Toi aussi, tu vas souffrir, ma toute aimée, et c’est cela surtout qui m’est pénible. Voilà que