Page:Gourmont - Lettres à Sixtine, 1921.djvu/33

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

honorable. Ecrire ce qu’on sent, le dire est également impossible, peut-être à un certain degré, quand les sensations dépassent les mots, quand rien, il semble, ne les rend, tant elles sont profondes, ni les gestes, ni les abandons, ni les étreintes. Voyez comme je suis imprudent ; non pas seulement j’essaie de dire, mais j’ose écrire avec sincérité, et si je parais fou, qu’importe ? je ne suis pas faux. Après tout c’est un extrême plaisir que d’être sincère, même en étant incohérent. Croyez-vous que je le sois, sincère, en ce moment ? Peut-être que non, car je reste en deçà, et je ne puis dire tout ce que je pense qu’en disant : je ne dis pas tout. Peut-être vaut-il mieux, comme vous, se taire tout à fait que de n’arriver qu’à un à peu près.

Enfin, je suis bien puni de ma sottise et j’y reviens toujours, puisque je vous ai toujours devant les yeux telle que je vous ai quittée. Que je