Page:Gourmont - Lettres à Sixtine, 1921.djvu/38

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l’ai pas été, je n’ai pas su faire deux parts de ma vie, l’une au rien qui en était le fond, l’autre au peut-être qui aurait dû en être l’espérance. Je sens l’amertume de mon imprévoyance, mais pourquoi faut-il que vous la sentiez aussi ? — Il y a des minutes, vous l’avez éprouvé — vis-à-vis de vous je ne sais ce que c’est — où la cristallisation s’arrête, où reparaissent les parties noires et frustes du rameau. Vous l’avez écrit, il m’a fallu le comprendre. Ainsi vous savez que je ne suis qu’une illusion pour vous ? Vous voyez ce que je serai ; c’est être bien près de voir ce que je suis. Dès qu’on s’arrête, en gravissant certaines montagnes à pic, on redescend ; et voudriez-vous redescendre avant d’avoir atteint le faîte ? Dites, voudriez-vous redescendre jamais ? O mon amie, vous êtes trop exigeante. Vous cherchez l’introuvable et vous vous étonnez de ne le point rencontrer. Pourtant déjà vous en avez souffert,