Page:Gourmont - Muses d’aujourd’hui, 1910, 3e éd.djvu/35

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assimilation merveilleuse qui devient chez elles une vraie sincérité. Oui, en vérité, dans le creuset de leur cœur, les émotions littéraires et les émotions réelles se confondent en une même vivante sincérité. J’ai lu presque tous les livres de vers des jeunes femmes poètes, leurs poèmes sont souvent émus, ce sont des minutes de vie transcrites, de la vraie douleur, mais, souvent aussi, malgré le rythme et la rime, ce n’est pas encore de l’art, c’est trop près de la sensation directe, même si cette sensation est provoquée par une réminiscence littéraire. Trop près de la sensation directe ; les femmes poètes, en effet, n’atteignent la cristallisation refroidie de l’art que par hasard, sans le vouloir et sans le chercher. Il arrive cependant qu’une sensation, longtemps gardée en leur cœur, y prenne la forme même de leur être secret, et se cristallise en un beau vers, immuable. Mais, le plus