Page:Gourmont - Sixtine, 1923.djvu/120

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de sonder les caractères, d’analyser les goûts. Nous ne sommes pas des enfants… Tout cela… »

« Ah ! le sot, se disait en même temps Sixtine, à elle-même, dans l’intervalle des points de suspension. Mais je ne la reprends pas, ma main, je fais semblant… Émue aussi, je ne voudrais pas en convenir, cela a été délicieux… Non, c’est un aveu… Imprévu ? Je m’y attendais et c’est du contraire que j’aurais été bien surprise et bien peinée… À mes genoux, il est là, à mes genoux, oh ! reste ainsi… Si je l’étais, sincère, je parlerais bien différemment, mais ces doutes, ces supplications c’est si bon. Il va me supplier encore, encore, encore… Ça, je n’en sais trop rien. Est-ce que je l’aime ? Je puis l’aimer, du moins je n’en suis pas loin, je sens que tel mot, tel geste… et je serais dans ses bras, mais le dira-t-il, le mot ? Le fera-t-il, le geste ?… Oh ! si ! j’ai éprouvé quelque chose d’indéfinissable… Oui, mais je n’en suis pas à ce point d’ignorance… Est-ce que cela se retrouve, de tels moments ?… Ceci est vrai, vrai, vrai, crois-moi, je veux aimer… Eh bien, prends-la, mais prends-la donc… Le mot est trop dur. Mon Dieu je vais peut-être le décourager. Tant pis, ce sera l’épreuve… Oh ! être fixée, être liée à jamais ! À lui ? Je ne sais, mais s’il le voulait !… C’est assez juste, mais un peu froid, et, puis, je le connais déjà, il est capable d’un sentiment profond… Comment, il se lève, il abandonne ma main, il va s’asseoir sur cette chaise, si loin, si loin de moi… Bien, c’est fini, je me suis trompée… Attendons.

— J’ai eu tort, je crois, répondit Entragues, de