Page:Gourmont - Sixtine, 1923.djvu/131

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de vagues gâteaux et une bouteille de ce vin aumalien, qui donne au peuple l’illusion d’un régal princier. Puis elles s’anonchalit aux genoux d’Entragues, les yeux pleins de blandices, de promesses et d’attirances.

Elle le regardait tremper ses lèvres dans le verre, voulut boire après lui, semblait ivre de désir, livrée à un quart d’heure de plein amour, se consolant en un soir, avec ce pèlerin inattendu, de plusieurs mois, de plusieurs années, peut-être, de plaisirs prévus et sans sursis, donnés sans plaisir.

Une blasphématoire comparaison l’eût fait prendre pour une Madeleine soudain partie en adoration, l’âme nouvellement livrée à un Dieu révélé, charmante d’intérieures et inutiles supplications, si persuadée d’aimer au-dessus d’elle, qu’un geste d’acquiescement la renverserait de joie.

Ce bien surprenant spectacle charmait Entragues, mais il y sentait sa faute aggravée de tout l’agrément préventif dont se dorlote la chair. Ce n’était plus l’unique secousse nécessaire au rétablissement de la circulation nerveuse, mais un plaisir complexe et trop prolongé pour être excusable.

Elle lui baisa joliment la main, les derniers remords s’envolèrent, les deux balanciers battirent isochrones.

Ils disaient des riens et lui, cherchant ces amusettes qui plaisent à ces femmes, la faisait rire : elle semblait, par moments, étonnée de sa jouissance, comme si l’air froid d’autour d’elle se fût soudain