Page:Gourmont - Sixtine, 1923.djvu/182

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— J’ai, dit Entragues, beaucoup de plaisir à vous écouter. Votre voix est douce.

« Cette fois, songeait-il, et grâce aux mutuelles impertinences avec lesquelles nous allons nous entreblesser, cela va finir très bien ou très mal. Elle est, par quoi ? très énervée, et mon personnel état mental en plein déséquilibre. Nous allons, atteindre, c’est espérable, un surprenant résultat. »

Comme elle se taisait, il reprit :

— Il y a des instruments irrémédiablement désaccordés, tels ceux qui subirent l’humidité de la solitude ; mais ce n’est pas un si grand désastre : on n’a qu’à changer les cordes.

— Un tour de clef suffirait peut-être, dit Sixtine, et d’abord un rayon de soleil.

Ce mot frappa Entragues au cœur. La voix qui l’avait prononcé, pourtant, était sèche et toute cassante d’ironie, mais il n’en retenait que le sens et voyait se dresser devant lui, sous la forme d’une femme attristée aux gestes implorateurs, la figure même de l’Abandon. Ses doigts laissèrent tomber à ses pieds les flèches, il s’attendrit naïvement :

— Je vous ai blessée, pardonnez-moi.

— Oui, dit simplement Sixtine, vous avez été méchant et cela m’a fait mal. Je veux que nous soyons de bons amis, en attendant mieux, si telle doit être notre destinée que je mette pour jamais ma main dans votre main. Surtout pas de colère contre une impuissante femme, assez malheureuse déjà de ne pas savoir ce qu’elle veut. Vous n’avez pas lieu d’être jaloux, et d’ailleurs, elle sourit mais sans