Page:Gourmont - Sixtine, 1923.djvu/242

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dans la réalité transcendante ou surnaturelle, pourquoi donc, alors, ne pas mettre les deux pieds sur le même plan ? Ai-je besoin, pour rêver à des amours, d’avoir serré contre ma chair de la chair aimée ? Naïveté. Est-ce que Guido a touché sa madone ? Estelle une femme avec qui il ait dormi dans un lit, ou seulement joué sur un canapé ? Pourtant il y a une vraie joie d’amour à revêtir son illusoire charnalité pour aimer, en sa personne, l’intangible créature de ses songes !

Je raisonne bien, décidément. Je suis un logicien.

J’aurais dû prendre cette carrière… Ah ! voici la maison ! Déjà ? tiens, la même exclamation qu’hier soir. Je ne m’ennuie pas avec moi-même. Non, et me voilà revenu d’où je suis parti. »

Entragues haussa les épaules, songeant : « On dirait qu’il y a au-dessus de nous quelqu’un de plus fort et qui nous raille. »

Puis, il sonna.

Elle était lasse, pâle malgré le rouge des vêtements, couchée à demi dans un large fauteuil, barricadée de coussins, tout près d’un grand feu de bois, lisant, la tête renversée.

La lumière, faible et bleuâtre, tombait d’une lampe suspendue. Hubert douta qu’elle pût déchiffrer les pages imprimées et crut à une attitude, mais il se trompait : Sixtine avait des yeux de chatte, ainsi que beaucoup de femmes ; elle lisait très sérieusement les Victimes d’Amour.

En voyant ce titre sur la rosâtre couverture du volume