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IX. — LA PROMENADE DU PÉCHÉ


« Cette boucle de cheveux appartient à une fille de Ra-Hor-Xuti, qui a en elle toute l’essence de la divinité. »

Papyrus d’Orbiney, Pl.. XI, 4.


Elle avait l’air assez quatorzième siècle, prisonnière en sa chaise abbatiale. Vêtus de rouge, ses pieds foulaient un coussin noir ; ses doigts illuminés de grenats et d’opales, de cassidoines, peut-être, et de chélonites jouaient avec la corde blanche qui serrait à sa taille une robe aux lourdes ondulations pourprescentes ; vers la boiserie sculptée, fleur pâle, la tête se penchait ; l’ombre de l’ogive encadrait l’auréole blonde.

Tout dépaysé par l’attitude qui semblait exiger la génuflexion d’un fidèle, plutôt que la cordiale salutation d’un ami, il restait debout près de la porte, cherchant un exorde. Sixtine, plusieurs secondes, se donna la jouissance de l’étonnement qu’elle avait prévu, puis bravement se leva, et avec un reste d’arrière vanité, lui tendit la main. Il la prit froidement, voyant qu’on avait voulu le duper par une mise en scène.

Le fil se cassa, et toutes les perles de la broderie l’une après l’autre tombèrent : ce fut l’œuvre de cette soirée de rénover le fil de soie, de réintégrer en leur dessin les joyaux épars.