Page:Gourmont - Une nuit au Luxembourg, 1906.djvu/146

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elle-même éternellement. Tout organisme est une proie. Le vivant est mangé vivant. Tout animal est un festin et tout animal est un convive. L’état de santé, c’est quand il est festin. Les dieux n’échappent pas à ce dilemme ; ils sont organisés pour être un festin durable, voilà tout. Ils résistent aux attaques des infiniment petits, comme une montagne résiste à une fourmilière. Mais que le temps passe, viennent les siècles des siècles, et les fourmis auront eu raison de la montagne, cependant qu’elles-mêmes sont destinées à périr sous d’invisibles morsures.

Nous verrons, comme je vous l’ai déjà dit, et cela me fait de la peine, l’humanité disparaître et avec elle toutes les espèces animales qui peuplent aujourd’hui la terre. D’autres formes s’élaborent dans les mystères de la matière éternelle. L’eau des