Page:Gourmont - Une nuit au Luxembourg, 1906.djvu/188

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Notre journée fut brève, celle de deux amants attentifs à vivre. Mon amie accédait à tous nos usages. Sans le souvenir de la nuit de magie qui me l’avait mise entre les bras, je n’aurais pas différencié sa grâce divine de la grâce parisienne.

Nous nous couchâmes de bonne heure. Livrés à ce complet abandon des amants qui peuvent enfin jouir l’un de l’autre sans contrainte, nous fîmes avec une joie profonde la découverte de nos âmes et de nos corps. Il nous semblait bien que nous nous étions connus toujours, appartenus toujours ; il nous semblait aussi, à chaque baiser, que nous nous touchions pour la première fois : ces sentiments contradictoires, mais également doux, augmentaient notre ivresse, la tête nous tournait, nous ne trouvions plus les paroles de nos idées et nous disions force enfantillages.