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LUI

Beaucoup, mon ami, beaucoup. C’est moi qui guidai vers Zénon le jeune Lucrèce qui apprit de sa bouche à aimer et à comprendre notre Épicure. Je retrouvais dans ce sombre génie romain quelque chose de la voluptueuse raison qui ennoblissait Épicure, un pareil désir de savoir et en même temps le respect des mouvements secrets de la vie. Son existence eût été celle d’un rêveur, si l’avenir ne l’avait tourmenté de ses passions. Il fut aimé, il fut persécuté par la jalousie, lui qui ne demandait à sa maîtresse que la paix de sa chair et la paix de sa pensée. Il aima. L’amour fit du rêveur un contemplateur. Il voulut connaître la cause de l’amour et il connut que l’amour était la vie elle-même ; il voulut connaître la cause de la vie, et il connut que la