Page:Gournay - Les advis ou Les présens de la demoiselle de Gournay (1641).pdf/891

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
873
LIVRE SECOND.

La branche d’onluifant & d’or la riche fueille.
Perce donc la foreft & d’vn cil ſoucieux,
Guette aux arbres plus haults ce tige precieux :
L’enleuant de la main, qu’il fuyura fauorable
Si pour ce grand deſſein le Ciel eſt exorable :
Autrement nul effort ne le peut arracher,
Ny le fer endurcy le vaincre ou le trencher.
Mais las : apprends de moy la fafcheufe infortune
De ton amy fidelle engloutty de Neptune.
Tut’amuſes icy des Deſtins deuifant,
Tandis que ſon corps froid für l’areine eſt giſant :
Et ton amitié vaine en fa perte piteuſe,
Rend ta Flotte polue aux grands Dieux odieuſe.
Paye luy promptement les deuoirs de ton dueil,
Et conſigne fa cendre au repos du cercueil :
Offrant pour commencer vn choix de brebis noiress :
Au venerable Autel des vœux expiatoires :
Apres tu pourras voir ces Bois & ces Palais
Que les yeux d’vn viuant ne viſitent iamais.
Lors reprimant fa voix la bouche elle reſſerre.
Mais Anée en foufpirs les yeux baiſſez en terre,
Sort de l’Antre Prophete, & roule en ſes eſprits
Les aueugles ſecrets qu’il a des Dieux appris.
Son cher Achate & luy tracent leurs pas enſemble,
Ainfi qu’vn mefme cœur leurs foins encore aſſemble..
Par deuis mutuels leur doute confultoit,
Quel mort veuf de tombeau la Sibylle chantoit.
Arriuez pres du port ils auifent Mifene,
Parvn cruel malheur giſant mort fur l’areine,
Aeolie aux monts creux fuft ſon Pays natal :
Et ſonnant la trompette il n’eut aucun égal
Pour allumer le feu des ſanglantes alarmes,
Etpiquer de ſes tons la fureur des genfd’armes..
Il eftoit compagnon du magnanime Hector,
Qu’il feruoit du clairon & de la lance encor :
Heros braues aux combats : mais quand le fier Pelide