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LES ADVIS.

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LES AD VI S.
l’attefte les faints feux de la voûte celeſte,
Le’nom des Dieux l’attefte & l’innocente foy,
Sidans ce Monde bas on refpecte fa loy ;
Que iemeurtris mon cœur pour eflongner ta riue.
Mais le decret des Dieux qui nos deffeins captiue,
Qui me force à percer la tenebreufe erreur,
De ce Climat hideux plein de cris & d’horreurs
Me contraignit, ô Reyne, à quitter ta prefance.
Et ne pus croire alors que l’ennuy de l’abfance,
Te portaft à l’excés qui te iette en ces lieux ;
Arrefte vn peutes pas, ne fraude plus mes yeux :
Fuis-tu ce cher amant ? la haute Deſtinée,
Pour la derniere fois t’ameine ton Ænée.
Le Prince s’efforçoit par des propos fi doux,
De flatter cét Eſprit embrafé de courroux :
Mais Didon fans parler reiettant tous fes charmes,
Regarde de trauers fon vilage & fes larmes,
Puis fichant l’eil à terre & fronçant le fourcy,
Son cœur à tel deuis refte plus endurcy,
Qu’vne libe de marbre, ou la roche cuentée
Que la fuite des ans fur Marpeife à plantée.
En fin l’ire l’emporte, elle efchappe & s’enfuit
Dans le profond des bois & de l’obſcure nuict :
Oùfon premier efpoux heureuſement prouoque
Par fa fidelle flamme vnamour reciproque.
Le Troyen cepandant qu’vn fi cruel malheur,
Perce des ayguillons d’vne amere douleur ;
Hafte fes pas bien loin apres la trifte Reyne,
Lamentant tout en pleurs & fa fuyte & fa peine.
Delà fuiuant leur trace & le but defigné,
Ils entrent dans le Champ aux vaillans affigné..
Parthenope & Tydée en ce champ prennent place :
Adrafte entre ceux-là montre fa pafle face.
Les Grands de Troye y font par le fer deuorez :
Guerriers qu’en ce hault Monde’on auoit tant pleurez.
Ils abordent née & leur fort il lamente :
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