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LES ADVIS.

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LES ADVIS.
Où ton pere a choifi fa demeure eternelle.
Deiphobe repart : Ceffe de t’irriter,
Preftreffe des hauts Dieux, iete veux contenter :
Et fans troubler le cours de tes deffeins celebres,
Ievay remplir le nombre & me rendre aux tenebres :
Adieu Fleur des Troyens & leur fupreme honneur,
L’alme faueur du Ciel te départe plus d’heur.
Il deftourne à ce mot le pas & le viflage.
Le Prince donc, à l’heure, aduançant fon voyage,
Du cofté de main gauche aduife vn vaſte mont
Qui de rochers affreux fe couure tout le front.
Vne grande Cité dans le val enfoncée,
D’vne triple muraille autour eft ranforcée.
L’horrible Phlegeton rapidement roulant,
B
Les ceind d’vn large flot de viffoulfre bruflant :
Et fappant maint quartier de ces roches profondes,
Auec efclat de bruit le chaffe für ces ondes.
Ha
Vn grand portail paroift enchaffe dans le mur,
Flanqué de deux piliers de diamant tout pur,
Qui ne craignent iamais que le fer les terrace,
Ny que l’homme ou le Ciel en courroux les menace.
D’acier fur ce portail on affit vne Tour,
Où Thifiphone ardente eft au guet nuict & iour :
Et rouant l’œil cruel fur le fommet fe plante,
Ceinte foubs les tetins d’vne robe fanglante.
Icy l’on peut ouyr le dur gemiffement,
Icy le choq des coups retentit afprement,
A
Et l’aigre fon du fer & des chaifnes traifnées,
Employez au tourment des Ames condamnees.
Oyant ce tintamarre Ence atteint d’effroy,
Prefte l’oreille prompte & s’arrefte tout coy :
O Vierge, quels forfaicts, quelle rigueur de peine,
Practique, luy dit-il, cette Ville inhumaine ?
3.
Quels effroyables cris s’efleuent iufqu aux Cieux ?
Prince Troyen, fuit-elle, appren la Loy des Dieux.
La porte des Mefchans aux Bons n’eſt pas permife ::
Mais