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BALZAC CHEZ LUI.

L’atmosphère de l’appartement, le thé, la conversation, avaient donné une animation extraordinaire à M. de Karls… Il était surexcité, il m’a paru éprouver une sorte d’ivresse, de fièvre, d’exaltation ; il parlait beaucoup, vite, puis très-vite ; il riait ; enfin, l’agitation est parvenue à un tel degré chez lui, qu’il m’a demandé, car il étouffait, la permission de quitter son habit ou de se retirer. Il avait besoin d’air. Je lui ai permis de quitter son habit. Après s’être assis de nouveau sur le canapé, il s’est mis à me raconter, avec plus de gaieté encore qu’auparavant, une aventure de théâtre, je ne sais plus quel accident burlesque arrivé à une actrice pendant qu’elle était en scène ; il ne cessait pas de rire en me la disant. Tout à coup je n’entends plus rien. Quelques secondes s’écoulent, et je l’engage à terminer l’anecdote commencée ; pas de réponse ; je prie, j’insiste, même silence. Je suppose alors que M. de Karls… a été subitement saisi par une invincible envie de dormir, comme cela arrive quelquefois. Il est tard, il est fatigué, oui, il dort, me dis-je. Cependant, étonnée de ce brusque passage d’une joie bruyante, exagérée, à un sommeil aussi tenace, je quitte mon fauteuil et je vais m’assurer… Le visage de M. de Karls… était affreusement renversé, ses yeux étaient retournés, on n’en voyait plus que