Page:Gozlan - Le Dragon rouge, 1859.djvu/169

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
166
le dragon rouge.

Je vous ai offensé ? Qu’ai-je dit ? qu’ai-je fait ? Songez, monsieur le commandeur, continua-t-elle avec une modestie attendrissante, que je ne suis plus mademoiselle de Canilly, la fille heureuse et enviée ; je suis la fille d’un criminel d’État, décapité à Toulouse ; je suis exilée, je suis pauvre ; je n’ai que Dieu au ciel, et vous sur la terre. Est-ce pour cela que vous n’avez plus d’indulgence ?

Le commandeur se leva ; deux ruisseaux de larmes sillonnaient ses joues ; il frémissait.

— Ne parlez pas ainsi ! ne parlez pas ainsi ! vous me faites mourir. Moi, vouloir vous abaisser ; moi, vous rappeler votre infortune, vous la reprocher ! Mais que parlez-vous d’infortune ? Votre malheur est grand, sans doute, il est immense, la perte d’un père ! Mais ce malheur n’a rien qui déshonore la fille d’un gentilhomme.

— N’est-ce pas, monsieur ? dit Casimire, dont la main se posa, toute fière et superbe de ligne, sur le bras du commandeur, ce bras qui s’était porté involontairement à son épée, comme pour indiquer de quelle manière il saurait soutenir, au besoin, ce que sa bouche avait avancé.

— Mais comment, reprit le commandeur, craindriez-vous les suites funeste qu’entraîne toujours la perte de la fortune ? comment enfin craindriez-vous les atteintes de la misère, vous sur le point de devenir la femme d’un des plus riches gentilshommes de France ?

— Moi, la femme d’un des plus riches gentilshommes de France ! moi !

— Puis-je en douter ?

— Ah ! tout m’est expliqué maintenant, toutes vos paroles obscures, inintelligibles d’abord, tous ces reproches détournés. Mais l’on vous a trompé, affreusement trompé, monsieur le commandeur.

— Cette lettre ! s’écria le commandeur, en tirant son portefeuille, cette lettre, répéta-t-il en cherchant une lettre, et la