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le dragon rouge.

trer des moines qui chanteraient l’office des Morts. On rirait bien, ah ! comme on rirait ! dit le marquis plus sérieux qu’un tombeau, en rêvant aux moyens de réaliser cette plaisanterie funèbre.

— Ce serait là une profanation, dit le commandeur, et vous en êtes incapable, quoique je vous sache très-ingénieux à diversifier les plaisirs. Pourquoi, au contraire, ne prouvez-vous pas au monde, à vos amis, qu’aucun des bruits qui ont circulé sur la cause de votre réclusion n’était fondé, et cela, mon frère, pour l’honneur d’une personne qui nous est chère à tous, de mademoiselle de Canilly.

— Votre honneur aurait été compromis ! Mon Dieu ! je ne sais rien depuis deux mois, dit le marquis de Courtenay en regardant enfin Casimire, sur laquelle, jusque-là, il avait évité de lever les yeux. Mais parlez !

— Oui, continua le commandeur, il a été dit que vous vous étiez renfermé dans votre hôtel pour pleurer de regret sur une faute que vous auriez eu à reprocher à la conduite de mademoiselle de Canilly.

— Mais cela n’est pas, oh ! cela n’est pas ! s’écria le marquis ; je le jure sur mon honneur, sur le vôtre, mon excellent frère.

— Je vous remercie, monsieur, murmura Casimire, de la chaleur que vous mettez à vous défendre d’une pensée que vous n’avez jamais eue.

— Moi ! je n’ai jamais dit cela ! Mais ce sont des menteurs, des calomniateurs, des infâmes ! Oh ! j’ai donc commis une grande faute de me celer ainsi…

— Vous le voyez, mon frère.

— Mais j’ai fui le monde, reprit vivement le marquis, parce que j’ai eu honte d’y reparaître après avoir publié partout que j’allais vous épouser ; j’ai fui le monde parce qu’il m’a paru odieux, maussade, affreux de vivre pour ce monde après avoir entendu de votre bouche que vous ne m’aimiez pas. Je ne sais