Page:Gracian - Le Héros, trad de Courbeville, 1725.djvu/75

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Reprenons. Un héros doit réunir en lui toutes les belles qualités mais sans en affecter aucune. Alors on est à double titre un héros ; on l’est par le mérite le plus complet, et par l’estime générale des hommes ; on l’est en effet, et l’on est universellement reconnu comme tel. L’affectation au contraire, quelque légère qu’elle soit, mêle toujours un défaut au mérite, et ce mélange en produit un rabais dans l’idée des hommes. De plus, un grand homme eut-il jamais besoin d’un secours étranger à son mérite, pour s’attirer des égards qui lui sont dus ? Je ne sais quel air de simplicité noble et d’oubli de sa grandeur avertit assez pour lui l’attention publique : avoir de la sorte les yeux fermés sur ce qu’il est, pour ainsi parler, c’est l’infaillible moyen de les ouvrir à tout le monde. J’appelle cette conduite une espèce de prodige dans l’état de l’héroïsme et de la grandeur ; et s’il en est une autre qui convienne davantage, j’avoue qu’elle m’est inconnue.