Page:Gracian - Le Héros, trad de Courbeville, 1725.djvu/86

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la reine Isabelle, l’un héros, et l’autre héroïne, furent deux colonnes inébranlables de la foi catholique. Philippe III, ce prince religieux envers Dieu, bon à l’égard de son peuple, si édifiant dans toute sa conduite qu’il corrigea plus de vices par son exemple qu’Hercule ne dompta de monstres avec sa massue, soutint jusqu’à la fin ses États, dans toute leur vaste étendue et dans toute leur gloire.

Parmi les grands capitaines, Godefroy de Bouillon, Georges Castriota, Rodrigue Diaz de Vivar, Gonzales Fernando, Don Juan d’Autriche furent des modèles de vertu, et des temples vivants de la piété chrétienne. Parmi les souverains pontifes, Grégoire et Léon, tous deux saints, furent les premiers à qui l’on attribua le nom de Grand. Pour ce qui est des héros mêmes du paganisme et de la gentilité, saint Augustin, ce grand génie, dit que quelque vertu morale avait toujours part à leur élévation. En effet, la gloire d’Alexandre, par exemple, croissait chaque jour, et lui attirait l’admiration des peuples ; jusqu’à ce que ses passions devenues violentes et publiques déshonorèrent ses conquêtes, au sentiment général de ses sujets et des étrangers. Alcide, au jugement de Thèbes et de tous les sages, ne soutint plus le glorieux apanage de vainqueur des monstres, dès que, sensible à la mollesse, il s’en laissa maîtriser. Les Néron, les Caligula, les Sardanapale, les Rodrigue se dégradèrent eux-mêmes de la haute idée attachée à leur rang et devinrent l’exécration de tout le monde par leurs cruautés et par leurs infamies. La même destinée arrive aux monarchies entières, lesquelles tombent dans le décri lorsque le vice y prend la place de la vertu. Une nation florissante et distinguée, tandis que la foi y règne, se rend l’horreur des autres nations, en se livrant aux